Construire un couple, c’est apprendre à quitter ses parents
On ne peut pas imaginer un couple si l’on n’a pas décidé que ce n’est plus à travers la relation aux parents que l’on pourra exister et se réaliser.
Ce n’est un secret pour personne ; l’augmentation régulière et inquiétante du nombre des divorces prend des proportions alarmantes.
Bien sûr les difficultés de communication de toutes sortes qui perturbent l’épanouissement du couple sont montrées du doigt, mais il existe un poison beaucoup plus pernicieux car invisible dans un premier temps, et qui est à l’origine de nombreuses ruptures… Son nom ??? LES PARENTS !
Sous le prétexte fallacieux d’aider, de faire profiter de leur expérience, les parents font une irruption toute en douceur dans la vie du jeune couple.
Sous le couvert de l’amour porté aux jeunes tourtereaux, sous le prétexte fallacieux de les aider, de les faire profiter de leur expérience, commence une irruption toute en douceur dans la vie du couple, qui ne peut être refusée (c’est pour leur bien) et bonjour les dégâts !
Rappelons-nous du verset dans la Genèse. ” C’est la raison pour laquelle l’homme abandonnera son père et sa mère, et il se « collera » à son épouse et ils seront un seule chair “.
Ce verset a bien entendu plusieurs lectures possibles mais l’une d’entre elles est là pour nous apprendre que le point de départ d’un couple se situe dans la capacité qu’auront les deux protagonistes de celui-ci à ” abandonner ” leurs parents.
Cet abandon n’est absolument pas, bien sûr, un rejet ou un arrêt de la relation. Il signifie que l’on ne peut pas imaginer un couple si l’on n’a pas décidé que ce n’est plus à travers la relation aux parents que l’on va pouvoir arriver à exister et se réaliser. Il faut d’abord savoir que notre histoire ne peut plus être chez eux afin de pouvoir envisager l’histoire de notre couple.
Cette notion se retrouve dans le texte qui relate la sortie d’Egypte. En effet le texte de la Torah enjoint le peuple d’Israël à se retirer complètement de leurs anciennes habitudes idolâtres, avant d’aller faire le sacrifice de Pessah. Traduit autrement l’idée serait qu’on ne peut envisager d’aller créer une nouvelle histoire tant que l’on a pas décidé de « quitter » notre passé. Savoir que notre histoire va exister ailleurs afin de ne pas être tenté dès qu’un problème surgit de revenir en arrière.
Si l’on n’est pas capable de construire cette certitude alors, il existe une forme pernicieuse de modèle comparatif qui risque de nous amener à nous poser cette question ” au fond est-ce mieux chez ma mère ou dans mon couple ? ”
C’est cette possibilité de procéder à une étude comparative qui va être souvent à la racine des conflits. Imaginons un homme rentrant à la maison le soir et qui, fatigué par sa journée de travail, attend de son épouse un accueil tendre et chaleureux à l’image de celui qu’il pouvait recevoir chez sa mère. L’absence de cet accueil par son épouse qui, au passage, travaille sans doute aussi et à d’autres responsabilités, créera une forme de nostalgie des temps passés avec tout ce que cela peut impliquer dans sa manière de regarder son épouse.
De la même manière, une épouse qui attend de son conjoint une certaine présence, des mots, une implication plus grande, risquera devant l’absence de ces éléments à vouloir revenir vers un cocon familial. Or nous le savons tous. Le conflit et la difficulté font partie intégrante de l’histoire de chaque couple ; nos challenges sont d’utiliser ces moments de tensions pour progresser en tentant de mieux appréhender l’autre, et en effectuant un travail sur nous même.
Il est nécessaire, voire vital, de s’interdire d’entrer dans la comparaison entre les 2 types de relation.
On rentre alors dans des non-dits qui créeront une forme de distance pleine de conséquences au niveau de la vie du couple. La mère de cet homme n’est pas ici activement présente mais elle génère un premier désordre de par le fait qu’elle a encore une place au même niveau que sa belle-fille. Ceci est valable bien entendu dans les deux sens.
De manière concrète, il est donc important, fondamental de bloquer toute forme de comparaison entre la relation que nous avons pu avoir avec nos parents et celle que nous allons construire avec notre conjoint.
Malheureusement bon nombre de parents, lorsqu’ils perçoivent que le mari ou que l’épouse ne fonctionne pas exactement comme leur enfant aurait pu l’attendre, au lieu de dire à leur enfant : ” c’est ton mari, c’est ton épouse et il faut faire des efforts “, éventuellement leur proposer de rencontrer des spécialistes qui pourront les aider, vont au contraire plaindre le ou la pauvre chéri(e) qui n’a pas ce qu’il avait auparavant à la maison. Et de manière pernicieuse développer des ressentiments souvent racines de l’explosion et de la rupture.
Cette ingérence parentale, va aussi prendre sa racine dans l’incapacité qu’on de nombreux parents à imaginer leur vie, en dehors des enfants. Lorsque l’essentiel de notre vie tourne autour de nos enfants, et surtout pour une femme, quand sa place et son importance n’existe qu’a travers sa fonction de mère, le danger est grand de garder les enfants sous sa coupe afin e pouvoir continuer à exister à travers eux. Il faut donc absolument garder le contact de toutes les manières possibles. Ce contact est souvent du type invitations en tout genres, coups de téléphone quotidiens, dont le but est simple. Garder sa place ! Si nous ne sommes pas capable en tant que parents de construire un projet différent pour NOUS dès que les enfants deviennent de jeunes adultes prêts au mariage, il sera difficile un fois ceux-ci mariés de ne pas tomber dans le piège.
Et si nos parents ne sont pas prêts à laisser cette distance, afin de permettre au couple d’exister, et de se construire, c’est donc au couple de la mettre en place, de manière fine, mais claire. Il faudra alors savoir résister au sentiments de culpabilité qu nos parent risquent de créer, lié à notre « non présence » ; être capable de ne pas céder systématiquement aux différents chantages affectifs du type « on ne vous voit plus » « ça nous fait tellement plaisir quand vous venez », à traduire par « et si vous venez pas on est tristes » ; Pas simple de concilier le respect aux parents avec la construction de son couple, mais ce respect des parents, rappelons le, ne peut pas s’exercer au détriment de notre conjoint ! Tout un art qui se met en place de manière sereine dès que les membres du couple prennent le temps d’en parler de manière adulte.
Bien sûr, cette stratégie n’est pas la seule que les parents utilisent pour détruire plus ou moins consciemment le couple que forme leurs enfants, nous en évoquerons d’autres dans de prochains articles.
Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici de cas bien plus lourds ou la violence psychique ou physique est présente. Mais même dans ce type de cas si la famille va pouvoir être à un moment, un support, la responsabilité de régler les difficultés reste totalement dans les mains du couple.
Attention aussi aux chantages affectifs, créateurs de sentiments de culpabilité chez l’enfant (marié !)
S’il est vrai que l’injonction de la Torah sur le respect des parents existe, elle ne doit pas être instrumentalisée pour s’accaparer ce couple ; car même si cela n’est point verbalisé mais derrières certains comportements des parents c’est la question du choix de qui on « aime » le « plus » qui se pose. Rappelons nous alors de cette notion essentielle. L’élément central d’une relation de couple se situe dans la capacité que nous avons de rassurer l’autre sur ce qu’il ou elle représente pour nous.
La priorité que nous donnerons à notre conjoint est un des éléments essentiels de cette réponse.
Evidemment, selon la formule consacrée, toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est purement fortuite… !
Rav Elie Lemmel