Le mariage, un mirage ?
Le développement des manifestations et autres activités pour les célibataires, la multiplication des clubs de rencontre, les sites internet qui explosent… le « marché » des célibataires est en pleine expansion.
De nombreuses petites annonces qui sont là afin de nous rappeler que les célibataires ont encore envie de se marier, « cœur à prendre » que certains lisent « corps à prendre ». Juste une petite différence de lettre et on passe d’une planète à l’autre. Et puis il y a les résignés, les optimistes, les désabusés, tous légèrement cyniques. Rappelons pour mémoire que le cynique est généralement un idéaliste déçu. Soyons clairs, les schémas classiques qui transformaient une rencontre en une relation pour aboutir à un mariage est en train de tomber en désuétude, même les spécialistes en rencontre, agences matrimoniales ou chadhanit ne savent même plus comment fonctionner. En premier lieu, réfléchissons sur les modalités autour desquelles s’organise une rencontre. La dimension de l’apparence va jouer un rôle non négligeable. Même si la majeure partie des gens diront qu’ils préfèrent une beauté intérieure, la réalité ne correspond pas à ces belles paroles. Dans une société où l’image a pris une place prépondérante, il va être difficile de s’affranchir de ce qui est devenu presque une seconde nature. Il y aurait donc peut-être lieu d’entamer une réflexion sur la différence qu’il y a entre l’image parfaite – celle de nos projections fantasmées de l’homme ou de la femme idéale – et la réalité à laquelle nous sommes confrontés. On ne se marie pas avec un poster ! Nos Maîtres nous enseignent que l’on ne peut pas se marier avec une personne tant qu’on ne l’a pas vue. Non pas pour voir si elle nous plaît, mais bien plus pour voir si elle ne nous déplaît pas. Si nous pouvons envisager une proximité quotidienne avec cette personne, ce sera qui sera le critère essentiel. Mais si nous nous remettons dans les schémas actuels, voilà alors comment généralement les choses se passent.
Un physique avantageux, un sourire ravageur, et ça y est ! les regards convergent, les stratégies se mettent en place : comment engager la conversation ? comment ne pas paraître être trop intéressé pour ne pas que l’autre s’imagine que … ? et puis attention, il y a toujours de la concurrence! Ca y est ça marche, les numéros de portable ont été échangés et la question existentielle : Appeler. Quand ? trop proche de la rencontre, c’est sans doute un signe d’intérêt qui pourrait faire fuir l’Autre ! trop loin ? il risque de m’avoir oublié ! et puis, de quoi parler ? Rentrer dans le vif du sujet ? l’Autre peut avoir peur et prendre la fuite ! laisser faire les choses ? je risque de m’attacher et de souffrir si l’Autre n’est pas du tout dans une rencontre en vue du mariage. Plus encore, quel type de proximité vais-je avoir ? Quand vais-je activer du fameux principe « Fuis-le, il te suit. Suis-le, il te fuit ».
Ensuite, il est nécessaire de réfléchir aussi sur l’impact que vont avoir les parents et la famille sur le choix de ce conjoint. Bon nombre de parents sont persuadés que leurs enfants – qui sont bien entendu les plus beaux, les plus intelligents, les plus sympathiques du monde, cela va sans dire ! – ont droit au « must ». Elevés dans cette atmosphère, un jeune adulte aura tendance à s’imaginer qu’il peut toujours trouver mieux et à travers ce raisonnement se retrouver à l’âge où l’on peut faire la bar ou bat mitzva de ses enfants, en train de chercher encore celui ou celle avec qui il ou elle va bâtir sa famille. Si tout le monde est d’accord avec la formule « le mieux est l’ennemi du bien », combien d’entre eux sont-il prêts à l’appliquer de manière concrète ?
Il y a aussi, silencieuse mais bien présente, la peur de l’échec, le nombre exponentiel de divorces dans la communauté n’étant pas là pour rassurer. Et si nous prenions le problème à l’envers, tous ces couples qui divorcent ont généralement l’air d’être bien sous tous rapports ! Alors, que s’est-il passé ? Ce sont peut-être les modalités sur lesquelles a été bâti leur couple qui n’ont pas été clair. Les fondamentaux n’ont pas été définis. Il existe un nombre incroyable de couples qui ne discutent pas sur la manière dont laquelle ils veulent éduquer leurs enfants par la suite. Et c’est quand les enfants naissent que commencent à apparaître de nombreuses divergences. Même si cela n’a rien de romantique, faire une check-list des points examinés lors d’une rencontre peut faire gagner beaucoup de temps et éviter par la même des souffrances inutiles. Il sera aussi nécessaire pour s’engager, de savoir à quoi l’on est prêt à renoncer, sur quels points on est prêt à faire l’impasse. Et puis aussi, ne pas oublier de prier comme nous l’enseignent nos Maîtres : c’est au moment de trouver son conjoint que la prière est la plus importante car il y a une dimension qui ne nous appartient pas… Ah, me direz-vous, comment être sûr ?… Un de mes Maîtres avait l’habitude de dire : « si l’échange se passe bien et que vous vous plaisez, imaginez que vous ne vous verrez plus jamais. Si cela ne vous dérange absolument pas, c’est que vous, sans doute, vous n’êtes pas fait pour vous marier ensemble. Si l’idée de ne plus jamais revoir l’Autre vous ennuie, alors avancez dans le chemin du mariage ! »
Pour conclure, je peux vous garantir une chose : vous ne rencontrerez jamais votre conjoint idéal ! Mais au fur et à mesure de votre histoire, vous arriverez à faire en telle sorte que votre conjoint devienne le conjoint idéal.
Rav Elie LEMMEL